Presentation du SILA 2016
 
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Au Rendez-Vous De L’histoire

AUTOPSIE DU COLONIALISME

Si l’histoire de l’humanité enregistre depuis l’Antiquité des occupations violentes de territoires assorties d’une exploitation de leurs richesses naturelles et d’un asservissement des populations autochtones, ce n’est qu’à partir du XVe siècle que s’affirme le colonialisme dans son acception moderne.

Il s’appuie sur les grandes explorations menées au début par le Portugal et l’Espagne, qui mettent les progrès de la navigation maritime au profit de leur volonté de conquête et d’enrichissement. Contourner l’Afrique pour atteindre les Indes, jusque-là fantasmées, reviendra au Portugais Vasco de Gama qui passe le Cap de Bonne-Espérance en 1488 et retourne l’année suivante à son port, les cales chargées d’épices et, notamment, de poivre. Pour leur part, les Espagnols, qui ont commencé par conquérir les îles Canaries, se lancent à la découverte du Nouveau Monde avec Christophe Colomb qui atteint les Bahamas en 1492, l’année même où s’effondre à Grenade le dernier bastion de l’Andalousie musulmane. La compétition est si ardue entre les deux puissances ibériques que, pour éviter un conflit au sein de la Chrétienté, le pape Alexandre Borgia promulgue une bulle qui constitue le premier partage colonial du monde.

Mais les appétits sont si considérables que les deux royaumes voisins se livreront à une concurrence féroce, d’autant que l’on voit assez rapidement apparaître dans cette course au trésor planétaire de nouveaux intervenants, les Néerlandais, les Britanniques et les Français, puis, progressivement, d’autres pays européens. Tandis que se multiplient les «découvertes» de territoires et leur occupation, les premières formes de colonialisme se mettent en place. Elles sont fondées sur une exploitation extrême des biens naturels ou autre, ainsi qu’un asservissement des peuples qui se manifeste, entre autres, par des pratiques esclavagistes massives et, notamment, la traite négrière à partir de l’Afrique. De telles intrusions dans des univers qui ignoraient généralement l’existence de l’Europe s’effectuent dans une violence effroyable, entraînant des millions de victimes dans le monde, sans compter les morts «collatérales» dues aux maladies introduites par les Européens ou encore l’état de misère extrême dans lequel se trouvent très vite plongés les habitants de ces contrées, privés de leurs ressources et de leur liberté d’agir. Dans Les Damnés de la Terre (1961), Frantz Fanon soulignera de manière magistrale le caractère indissociable du colonialisme et de la violence.

Mais le colonialisme, en tant que phénomène historique d’abord généré par la montée du capitalisme européen (à la recherche de ressources naturelles, de main-d’œuvre et de marchés), est aussi une idéologie qui accompagne et justifie son déroulement dans les faits. Très tôt, elle aura ses «plumes» qui professent la supériorité de la race européenne sur les autres races de la planète, soit à travers une littérature, à l’image de Robinson Crusoé (1719) de Daniel Defoe, soit à travers des essais, y compris «scientifiques», soit enfin à travers des discours politiques. Même les grands auteurs du Siècle des Lumières en France, porteurs d’idées généreuses qui amèneront la Révolution française à formuler la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1793), défendront, à l’exception notable de Denis Diderot, les fondements de l’idéologie coloniale. Jules Ferry, homme politique inspiré de ces derniers, déclarera : «Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures.» (Chambre des députés, 28 juillet 1855) Ce droit s’accompagnait, selon lui, d’un devoir de civilisation que Francis Garnier, explorateur et officier de marine, présentait ainsi : «Un pays comme la France, quand il pose le pied sur une terre étrangère et barbare, doit-il se proposer exclusivement pour but l'extension de son commerce et se contenter de ce mobile unique, l'appât du gain ? Cette nation généreuse, dont l'opinion régit l'Europe civilisée et dont les idées ont conquis le monde, a reçu de la Providence une plus haute mission, celle de l'émancipation, de l'appel aux Lumières et à la liberté des races et des peuples encore esclaves de l'ignorance et du despotisme.» (La Cochinchine française. 1864) Cette idée de supériorité des Européens sur les «barbares», soit la majorité des habitants de la planète, s’est vue argumentée par des thèses pseudo-scientifiques, au point de développer toute une école d’ethnologie coloniale et même un arsenal de thèses de médecine, d’anthropométrie, de psychologie, etc. Elle a été aussi portée par un mouvement littéraire et artistique large et puissant, l’orientalisme, qui a réuni de nombreuses signatures, dont certaines prestigieuses, dans la peinture mais également la musique, le théâtre... En se nourrissant d’exotisme, l’orientalisme a transformé en objets les sujets humains, les plaçant au même stade que les décors et focalisant l’attention sur des images fantasmées répétitives (belles odalisques, mendiants loqueteux, guerriers sanguinaires…) et une interprétation péjorative des valeurs des peuples colonisés.

La force de ces idées demeure si présente que l’analyse du contenu des actualités véhiculées de nos jours par les médias fait ressortir la permanence ou la résurgence de certaines d’entre elles. Le concept de «village global» envisagé à travers le développement prodigieux des nouvelles technologies de communication a, certes, mis en place des réseaux d’information planétaires inédits et suscité des échanges culturels enrichissants entre les individus et les peuples. Mais on peut constater que les préjugés, la xénophobie, le racisme et le mépris à l’encontre de ce qu’on n’appelle plus le Tiers-Monde ont trouvé aussi des champs d’expression immenses et inquiétants. Au lieu de l’harmonie proclamée d’un village virtuel, on assiste aussi à des déchaînements de haine sur les réseaux sociaux. Et on remarque que dans ces contenus les idées qui ont forgé et accompagné le colonialisme perdurent sous d’autres formes de discours ou formulations. Si l’exemple est exceptionnel, le projet de loi en France sur «le rôle positif de la colonisation» en 2005 est assez symptomatique d’une certaine vivacité des idées coloniales.

En suscitant un débat sous le titre générique «Autopsie du colonialisme», le Salon International du Livre d’Alger n’entend pas se limiter à l’histoire de la colonisation de l’Algérie par la France, mais plutôt à inscrire celle-ci dans le vaste et terrible mouvement qui a conduit sur plusieurs siècles et sur les quatre cinquièmes des terres et des océans à occuper des territoires et à opprimer des peuples. Il sera donc aussi question de l’ensemble du continent africain, littéralement dépecé durant cette période, de la Conquista espagnole et portugaise en Amérique Latine, de la constitution de l’Empire britannique «sur lequel le soleil ne se couchait jamais», de la mainmise sur le monde arabe, des occupations hollandaises, italiennes, belges et autre en Asie, en Océanie et sous toutes les latitudes du monde découvert par les explorateurs européens.

Comme nous l’enseigne la médecine légale, mener une autopsie nécessite de définir les causes d’un décès mais également, car les deux sont liés, de s’interroger sur les caractéristiques antérieures du cadavre. Ramené au sujet de cette rencontre, cela consiste donc à discuter de la naissance du colonialisme, de ses causes et de ses premières démarches, d’envisager comment il a pu se développer et perdurer en dépit de ses contradictions et, enfin, atteindre son agonie à travers les indépendances arrachées par la lutte des peuples.

Une telle approche ne peut être que globale et toucher à tous les aspects de la question : militaire, économique, politique, social, culturel, etc. Par exemple, dispose-t-on aujourd’hui, à la morgue de l’Histoire, d’un bilan économique de l’exploitation par les pays colonialistes du reste du monde ? Peut-on chiffrer globalement les transferts de richesses qui se sont alors produits à l’échelle planétaire ? Qu’ont rapporté les pays colonisés à l’Europe en termes d’accaparement des terres et autres biens, d’exploitation des richesses naturelles et gisements minéraux de toutes sortes, de détournements de trésors historiques, de levées d’impôts sur les populations, de vol des biens culturels, d’utilisation d’une main-d’œuvre abondante et quasi gratuite, de mobilisation de troupes pour de nouvelles conquêtes ou pour des guerres aux enjeux souvent extérieurs aux peuples colonisés ? L’histoire économique de la colonisation a franchi de grandes étapes à travers des recherches passionnantes mais souvent parcellaires car ne concernant qu’un pays ou une région du monde, voire une branche d’activité.

Le souci d’un bilan chiffré global sur ce plan ne peut, cependant, faire passer au second plan les conséquences humaines de la colonisation qu’Aimé Césaire désignait comme une «négation de la civilisation». Le poète et écrivain martiniquais, auteur du Discours sur le colonialisme (1950), affirmait notamment, répondant par anticipation au projet de loi précité : «On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemin de fer. Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abidjan. Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme.» L’autopsie du colonialisme consiste donc aussi à autopsier ses millions de victimes et à s’assurer de leur présence dans la mémoire de l’humanité. Une telle démarche exclut tout esprit revanchard mais se fonde sur le droit à une reconnaissance à partir de faits établis rationnellement par les historiens.

Mais, toujours en se fondant sur les principes de la médecine légale, on doit s’assurer que le «sujet» est bel et bien décédé pour pouvoir en déclarer formellement le fait. Les années cinquante et soixante du siècle dernier ont été celles de la plupart des indépendances dans le monde et notamment en Afrique. Durant cette période, est apparu le concept de «néo-colonialisme», souvent associé à celui de «l’impérialisme ». Attribué à Jean-Paul Sartre, celui-ci l’aurait formulé en 1956, et ce serait Kwame Nkrumah, le leader de l’indépendance du Ghana, qui l’aurait diffusé le premier et popularisé à travers son ouvrage Le Néo-colonialisme, dernier stade de l’impérialisme (1965), comme dans ses divers discours. Les définitions les plus admises du néo-colonialisme le présentent comme une forme détournée de colonialisme, perpétuant les mécanismes d’exploitation antérieurs sous le couvert d’une indépendance politique. Ce principe général qui s’est effectivement appliqué durant la deuxième moitié du vingtième siècle a évolué dans le cadre des Etats-Nations. On peut se demander comment il peut se perpétuer avec l’accélération des processus de mondialisation qui ont marqué la fin du siècle et le début du troisième millénaire. Cette évolution a-t-elle consisté en un éventuel remplacement, à la tête des mécanismes d’exploitation, des Etats dominants par des multinationales puissantes ? Mais on peut également constater que les Etats de premier plan jouent encore des rôles décisifs aux plans diplomatique et militaire, influant sur les destins économiques des pays moins avancés. Peut-on affirmer que les colonialismes continuent désormais à exister sans avoir de nationalité précise et que le colonialisme d’antan a fait peau neuve à l’ère des nouvelles technologies de communication ?

Autant de questions qui seront abordées le 1er novembre 2017, journée que le Salon International du Livre d’Alger consacre traditionnellement à l’histoire moderne et contemporaine de l’Algérie, en référence à la célébration du jour de déclenchement en 1954 de la guerre d’Indépendance.

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